Beaucoup se demandent ce qu’ils peuvent dire, ou ne pas dire lors d’un rendez-vous avec la médecine du travail, sans risquer de créer des complications avec leur employeur.
Sommaire
La médecine du travail n’est pas là pour vous piéger. On va voir ça en détail.
Ne dites jamais “je suis à bout”, “je ne dors plus” ou “je fais un burn-out” sans avoir été diagnostiqué.
Ces phrases peuvent, même si elles sont sincères, déclencher des démarches qui vous échappent. Le médecin du travail agit dans une logique de prévention, pas de sanction, mais vos propos peuvent amener à une évaluation d’aptitude ou à des restrictions que vous ne souhaitez pas. Soyez sincère, mais mesuré.
Ce qu’il ne faut pas dire à la médecine du travail (et pourquoi)
“Je suis complètement épuisé” ou “Je ne dors plus”
Ces phrases traduisent un épuisement profond, qui peut inquiéter le médecin du travail, surtout si votre activité implique de la vigilance ou des responsabilités techniques.
Dans un poste de conduite, de soin, ou en lien avec la sécurité des personnes, un tel aveu peut entraîner une inaptitude temporaire, le temps de faire le point.
👉🏻 À la place : Si vous ressentez une fatigue mais que vous tenez le coup, exprimez-le autrement : “Je traverse une période un peu difficile sur le plan personnel, mais cela ne remet pas en cause ma capacité à travailler”.
“J’ai des douleurs chroniques” ou “J’ai mal en permanence”
Évoquer des douleurs sans explication médicale ni accompagnement peut soulever des doutes sur votre aptitude à travailler.
Même si vous souffrez réellement, certains propos mal formulés peuvent entraîner des conséquences que vous ne souhaitez pas, comme une demande d’examens supplémentaires ou une déclaration d’inaptitude.
👉🏻 À la place : Préférez des formulations du type : “J’ai parfois des douleurs au dos, mais elles sont gérables. Mon médecin m’a donné des conseils pour adapter certains gestes.” Ce type d’échange permet au médecin du travail de vous proposer, si besoin, des ajustements raisonnables sans bloquer votre activité.
“Je prends des médicaments assez forts”
Les benzodiazépines, antidépresseurs ou neuroleptiques figurent parmi les molécules qui alertent les professionnels de santé au travail. Le médecin peut alors estimer que votre poste n’est pas compatible avec ce traitement.
👉🏻 À la place : Ne cachez pas votre traitement si cela vous met en danger, mais présentez les choses de façon encadrée : “Je suis suivi par mon médecin pour un traitement que je tolère bien, et cela ne gêne pas mon travail.” Si le médecin a un doute, il pourra demander un avis du médecin prescripteur, mais sans transmettre votre dossier médical à l’employeur.
“Je fais un burn-out”
Le mot “burn-out” est utilisé de manière informelle, alors qu’il s’agit d’un diagnostic médical précis.
Selon la HAS (Haute Autorité de Santé), il se caractérise par un état d’épuisement émotionnel, une dépersonnalisation et une réduction de l’accomplissement professionnel.
Si vous prononcez ce mot sans diagnostic, cela peut pousser le médecin du travail à suspendre votre aptitude par précaution, ce qui peut générer des conséquences sur votre emploi.
👉🏻 À la place : Préférez dire “Je ressens une forte pression en ce moment, j’ai l’impression d’être à la limite” si c’est le cas, et appuyez-vous sur un suivi extérieur (psychologue, médecin traitant) si nécessaire.
“Je ne supporte plus mon travail / mon responsable”
Ce type de phrase met en lumière une souffrance morale, mais peut également faire penser à une incompatibilité avec le poste, voire à un conflit grave. Dans ces cas, le médecin peut entamer une procédure d’alerte ou vous orienter vers une cellule de soutien psychologique.
👉🏻 À la place : Si vous vivez un mal-être au travail, mieux vaut dire : “Je traverse une période difficile dans mes relations au travail, mais je cherche des solutions.” Cela ouvre un espace de discussion sans bloquer le dialogue ni entraîner de mesure brusque.
Pourquoi tant de stress autour de la médecine du travail ?
Il n’est pas rare d’entendre que « tout ce que vous direz pourra se retourner contre vous ». Dans les faits, le médecin du travail n’est ni un policier, ni un agent de l’employeur.
Son rôle est d’évaluer si vos conditions de travail sont compatibles avec votre santé, et inversement.
Le Code du travail est clair : l’entretien est confidentiel, soumis au secret médical.
Le médecin ne transmet à l’employeur que des conclusions d’aptitude, éventuellement assorties de préconisations.
Jamais de diagnostic. C’est ce que précise l’article R4624-45 du Code du travail.
Ce professionnel de santé n’est pas là pour juger ou pour transmettre des informations personnelles à l’entreprise.
Il ou elle peut, par contre, recommander un aménagement de poste si votre santé le justifie. D’où l’importance de bien choisir ses mots, sans exagérer ni minimiser.
Dans une étude menée par l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité), près de 65 % des salariés interrogés estiment ne pas savoir précisément ce qu’ils peuvent dire ou non à la médecine du travail.
Le médecin du travail peut-il vous juger inapte ?
Oui, mais ce n’est pas son premier choix.
La procédure d’inaptitude est encadrée par la loi, notamment par les articles L4624-4 à L4624-6 du Code du travail. Elle intervient uniquement si le médecin estime que l’état de santé d’un salarié est incompatible avec son poste, et qu’aucun aménagement n’est possible.
Concrètement, l’inaptitude n’est jamais prononcée sur un coup de tête. Elle nécessite deux examens médicaux espacés de deux semaines, sauf exception grave. Le médecin doit aussi échanger avec l’employeur pour envisager des adaptations du poste ou une mutation interne.
Votre façon de vous exprimer peut avoir une influence. Si vous affirmez être “incapable de travailler” ou que “chaque jour est une souffrance”, sans nuance, cela peut alerter. Même si ces propos sont sincères, ils peuvent entraîner une suspension d’aptitude temporaire ou le déclenchement d’un suivi renforcé.
Le suivi régulier avec la médecine du travail, prévu tous les cinq ans maximum (voire moins selon les postes), est une bonne occasion de faire le point sans attendre que la situation se dégrade. Ce temps de prévention permet souvent d’éviter les mesures plus radicales.
Ce que la médecine du travail ne dira jamais à votre employeur
Le médecin du travail est tenu au secret médical. Il ne peut en aucun cas divulguer un diagnostic, un traitement ou des éléments de santé précis à l’employeur.
L’entreprise ne recevra jamais un compte-rendu de votre visite médicale. Elle n’a accès qu’à un avis d’aptitude, qui peut inclure des restrictions ou des recommandations d’aménagement si nécessaire.
Par exemple, le médecin peut écrire :
“Apte avec restrictions : éviter le port de charges lourdes supérieures à 15 kg.”
Mais il ne précisera jamais que vous avez une hernie discale ou une dépression.
Ce cadre légal protège les salariés. Selon l’article L1110-4 du Code de la santé publique, le secret médical est applicable à tous les professionnels de santé, y compris en entreprise.
En cas de doute sur ce qui est transmis, n’hésitez pas à poser la question directement au médecin.
Pour finir
Retenez une chose : soyez sincère, mais mesuré.
La visite médicale n’est pas un interrogatoire, ni un piège. C’est un espace confidentiel pour évaluer si votre poste est compatible avec votre état de santé.
Si vous avez des doutes, parlez-en d’abord à votre médecin traitant, qui vous aidera à poser les bons mots, ou vous accompagnera avec un courrier clair si nécessaire.